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IRQ - Climate Change - 2024 - Meethak AL khatib (8)-min © Meethak AL khatib pour Action contre la Faim

À la Une

Irak

Crise climatique : l’exode de milliers d’Irakiens

La baisse des niveaux du Tigre et de l’Euphrate du fait de la construction de barrages dans les pays voisins, la mauvaise gestion des ressources en eau, l’augmentation des températures, la baisse de la pluviométrie et des épisodes de sécheresse plus intenses et plus longs ont un impact direct sur les rendements agricoles et les moyens de subsistance des populations, qui sont exposées au risque de malnutrition et poussées à se déplacer dans d’autres régions.

L’Irak serait devenu le cinquième pays au monde le plus vulnérable face au dérèglement climatique selon l’ONU, un phénomène aggravé par des décennies de chaos et de violence et qui risque de peser sur la stabilité du pays. 7 ans après la fin des hostilités entre les forces irakiennes, soutenues par une coalition internationale, et Daech, près de 2,5 millions de personnes ont encore besoin d’aide humanitaire dans le pays². La violence persiste sous une forme plus sporadique, localisée et fragmentée tandis que la gouvernance demeure fragile et la population divisée.

Afin de soutenir les ménages les plus vulnérables affectés par la crise climatique, Action contre la Faim met en place des programmes d’assistance alimentaire au sud, à Bassorah et Thi-Qar. Dans le gouvernorat de Ninewa, dans le nord du pays, un programme innovant de surveillance, prévision et action communautaire permet de faire face à la pénurie d’eau.

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Perte de biodiversité et de moyens de subsistance

 

Dans les légendaires marais de Mésopotamie, une des plus grandes zones humides au monde, la baisse du niveau de l’eau, la salinisation et la pollution ont engendré une perte de faune et de flore dramatique qui a privé les habitants de leurs moyens de subsistance et les a poussés à l’exode. De 20 000 km2 au début des années 1990, les trois marais situés répartis entre Al-Chibayish, Al-Hawizeh et Al-Hammar, dans le gouvernorat de Thi-Qar, seraient passés à moins de 4000 km2³.

Au total, environ 20 000 personnes auraient quitté les marais selon l’Organisation internationale des migrations (OIM). La plupart des habitants des marais se sont relogés à proximité dans des maisons en dur ou dans des quartiers informels près des centres urbains. Mais les familles rurales déplacées sont souvent stigmatisées et peinent à accéder à un habitat digne, à l’emploi et aux services de base tels que la santé et l’éducation.

Désormais installé avec sa famille dans la communauté de Al-Chibayish, à seulement une centaine de mètres de ses marais natals, la vie d’Abdul Hussein a été marquée par les déplacements successifs. Dans les années 90, le régime de Saddam Hussein a volontairement asséché une grande partie des marais, pour faciliter l’accès de ses troupes et mater une population qu’il considérait comme rebelle. La perte des moyens de subsistance ainsi que le manque d’accès aux soins et à l’éducation ont alors poussé Abdul Hussein et sa famille à gagner le gouvernorat de Salah Al-Din, situé à plus de 500 kilomètres des marais.

Abdul n’est revenu vivre dans les marais qu’en 2006, après la destruction des canaux et des digues qui détournaient les flux d’eau et contribuaient à l’assèchement des canaux. Mais en 2022, une sécheresse historique a transformé les marais en de vastes étendues désertiques, le poussant à partir de nouveau. « Nous avons été forcés de quitter les marais du fait de la pénurie d’eau et du manque de sources de revenu. Nous dépendions des poissons et des roseaux et nous avions aussi du bétail, mais il n’y a plus rien maintenant. La terre est devenue désertique et aucun bateau ni voiture ne pouvait plus nous atteindre. Beaucoup de personnes ont aussi dû se résoudre à partir », déplore Abdul avec amertume sur les lieux de son ancienne maison.

De sa maison des marais, il ne subsiste que deux mâts plantés dans le sol poussiéreux et des tissages de roseaux éparpillés. L’îlot est entouré de terre craquelée et de roseaux jaunis par le soleil. Dans une région où les températures atteignent parfois les 60 degrés, les niveaux de l’eau peuvent drastiquement baisser pendant les mois d’été en raison de l’évaporation. Cette dégradation de l’habitat naturel a entraîné la raréfaction de beaucoup d’animaux qui assuraient la subsistance des communautés. Les buffles, particulièrement touchés par des pathologies liées à l’eau, sont les premières victimes, mais de nombreuses espèces d’oiseaux et de poissons ont aussi été affectées.

Abdul a désormais renoncé à la pêche et il travaille dans la construction lorsqu’il y a du travail. Néanmoins, le manque de revenus affecte sa capacité à fournir de la nourriture de qualité pour son épouse et leurs six enfants. La famille possède une seule et unique vache, destinée à être vendue en cas de coup dur. « Les communautés ici souffrent de malnutrition et ont besoin d’assistance alimentaire. Nous avons rencontré des enfants dans un très mauvais état de santé », explique Jawad Jabar, Chargé de programmes multisectoriel pour Action contre la Faim dans le sud de l’Irak. Dans la communauté de Al-Chibayish, Action contre la Faim (ACF) a fourni des paniers alimentaires à plus de 160 familles en situation de précarité.

 

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Déplacements et tensions sociales : le coût de la pénurie d’eau

 

Au nord de l’Irak, dans les plaines de Ninewa, le changement climatique se mêle aux tensions sociales et aux défis économiques. A mesure que diminuent les terres arables, le risque de déplacements et de conflits locaux ou régionaux induits par la concurrence pour l’accès à l’eau augmente.  

Ninewa est traditionnellement le grenier à blé du pays. La baisse de la pluviométrie, dont dépend 90% de la production agricole, des infrastructures d’irrigation anciennes ou endommagées, une extraction d’eau non réglementée et des pratiques agricoles inefficaces ont aggravé la qualité de l’eau. Du fait de l’épuisement des ressources publiques en eau, les ménages se tournent de plus en plus vers des sources privées coûteuses, comme l’eau en bouteille et le transport par camion. L’accès à l’eau est donc basé sur le pouvoir d’achat des individus sur les marchés, alors qu’un quart de la population irakienne vit au-dessous du seuil de pauvreté.

Du fait d’une insécurité hydrique croissante et de la perte de revenus, les agriculteurs seraient de plus en plus nombreux à abandonner leurs champs pour s’installer dans les villes. Un phénomène nouveau dans cette partie du pays et peu documenté jusqu’à présent, mais déjà bien connu des autorités locales. Selon elles, plusieurs villages dans la zone d’Hatra, à l’extrême nord-ouest du pays, auraient été désertés du fait de la piètre qualité de l’eau : il ne resterait plus que 36 villages sur les 500 villages implantés dans la zone dans les années 90.

« Dans certains districts de Sinjar, Baaj et Hatra, il n’y a plus d’eau, ajoute Asmaa Mohammed, coordinatrice terrain d’Action contre la Faim dans le nord de l’Irak. A Baaj, la communauté dépend en grande partie de la livraison d’eau en camions. Il y a eu déjà plusieurs déplacements liés à la pénurie d’eau car la communauté n’est pas en mesure de cultiver la terre et de satisfaire ses besoins fondamentaux. »

Dans cette région meurtrie par la violence liée au conflit avec l’Etat islamique, la crise climatique fait craindre une aggravation des tensions communautaires et une érosion de la cohésion sociale. « Quand il y a moins d’eau potable, cela favorise sans aucun doute les conflits sociaux et tribaux. Les communautés entrent en compétition pour l’accès aux services de base », s’inquiète Asmaa Mohammed, qui a vécu à Mossoul durant le conflit. Alors que la stabilité du pays reste fragile, l’adaptation au changement climatique est un corollaire à la reconstruction et y faire face est essentiel pour la construction d’une paix durable.

Pour répondre aux défis posés par la pénurie d’eau dans le gouvernorat de Ninewa, Action contre la Faim a mis en œuvre un programme de surveillance, prévision et action communautaire. Grâce à ce projet, les communautés locales, constituées en comités communautaires, et les agences gouvernementales sont impliquées et dotées des compétences et des outils nécessaires pour prendre des mesures correctives et des décisions opportunes afin de répondre au défi de la pénurie d’eau. Un tableau de bord de surveillance élaboré en partenariat avec l’Université de Mossoul et REACH fournit à la société civile et aux autorités locales une base d’informations pour surveiller les sécheresses et prendre des mesures adaptées. Par ailleurs, des programmes d’assistance financière permettent également de soutenir les agriculteurs affectés par la crise climatique.

En 2023, les programmes d’intervention d’Action contre la Faim ont permis d’aider 44 963 personnes dans le besoin à travers l’Irak. 36 900 d’entre elles ont bénéficié d’un accès accru à l’eau, l’hygiène et l’assainissement.

 

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