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RDC Rhoo Salle d'attente © Action contre la Faim RDC

À la Une

République Démocratique du Congo

Derrière les violences du déplacement, les souffrances psychologiques

Alors que les fumées des feux de cuisine épaississent l’atmosphère du camp de déplacés de Rhoo, en République Démocratique du Congo, un cœur de voix féminines s’élève d’une tente d’Action contre la Faim. Une comptine en langue Bba Dha retentit « Oh mais l’enfant pleure ! Mais pourquoi cet enfant pleure ? Il pleure sa maman, il pleure sa maman qui n’est pas là. Sa maman viendra, sa maman va venir avec du gâteau. »

Dans ce lieu, appelé espace mères-bébés, les équipes en santé mentale prennent en charge les femmes enceintes et allaitantes et leurs enfants de moins de deux ans, qui ont vécu des évènements violents et traumatisants. A Rhoo, situé dans la région de l’Ituri, plus de 63 000 personnes sont réunies dans des conditions précaires. Plus de la moitié proviennent de Drodro et des villages aux alentours dont plusieurs de camps de déplacés. Ils ont fui en novembre dernier, suite à des attaques de groupes armés. Pour ces hommes, femmes et enfants, l’insécurité est une réalité quotidienne qui impacte leur santé et leur bien-être.

"L’évènement qui a causé le déplacement des personnes leur reste en mémoire et se revit jour après jour"
Hadrien Guinot
responsable du programme santé mentale, République Démocratique du Congo

Les mamans et les futures mamans sont hantées par ce souvenir du passé et cela les empêche d’être pleinement en interaction avec leurs enfants. Cela entraîne un risque de retard de développement et de malnutrition. » Depuis 2017, l’est de la République Démocratique du Congo est en proie à des violences ; près de 2 millions de personnes sont déplacées et 5000 enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë sévère en Ituri.¹

Anuarite, Augustin, Dieu Merci, Angèle, Déogratias et Jeanne sont des travailleurs psychosociaux. Avec Hadrien, l’équipe intervient depuis plusieurs mois en Ituri et a mis en place différentes activités dans l’espace mères-bébés de Rhoo pour soulager la douleur de ces mères. Ils les aident à recréer le lien avec leurs enfants qui a été mis à mal par leurs vécus traumatiques. Depuis le début de l’activité en janvier, plus de 1000 femmes et 800 bébés ont été pris en charge.

Devant la tente de l’espace mère-bébé, une salle d’attente a été construite pour abriter les patientes. Mais les quelques bancs en bois ne suffisent pas à accueillir la centaine de personnes qui s’y pressent chaque jour. Edith est venue car sa lactation était perturbée, seul un de ses seins produisait du lait, ce qui ne suffisait pas pour nourrir suffisamment son bébé. Beaucoup de femmes ayant vécu des évènements violents peuvent se retrouver face à des difficultés pour allaiter que ce soit un arrêt total de la lactation ou une production partielle. Au-delà des conseils en allaitement, elle a pu participer aux différentes séances de stabilisation émotionnelle et de groupe de paroles. « Les soins à l’espace mères-bébés sont très bien car cela aide mon cœur » déclare-t-elle « cela éloigne les souffrances. »

RDC Rhoo © Action contre la Faim RDC

République Démocratique du Congo

© Action contre la Faim RDC

RDC Rhoo jeux © Action contre la Faim RDC

République Démocratique du Congo

© Action contre la Faim RDC

RDC Rhoo
© Action contre la Faim RDC

République Démocratique du Congo

© Action contre la Faim RDC

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Comme Edith, Sylvie a trouvé un apaisement dans la prise en charge prodiguée par les équipes d’Action contre la Faim. En souffrance et face à un enfant apathique qui n’interagissait pas, elle s’est tournée vers l’espace mères-bébés : « l’enfant ne jouait pas et maintenant l’enfant joue, et moi aussi je joue avec mon enfant et ça a diminué ma souffrance »

Edith, Sylvie et bien d’autres suivent un protocole minutieux. Après une séance inaugurale pour évaluer les besoins de chacune, elles sont prises en charge pour quatre séances de stabilisation émotionnelle. Sous la tente, les femmes sont assises en cercle sur des nattes colorées, entourées de jouets et de leurs enfants qui s’égayent. Anuarite mène la séance, elle dévoile des images dessinées qui représentent des effets possibles du trauma comme les difficultés pour dormir, les cauchemars, l’anxiété, la perte d’appétit… Ses explications permettent de comprendre les complications rencontrées mais aussi de normaliser le ressenti des patientes : les difficultés auxquelles elles font face sont courantes au vu des événements vécus et sont partagées par beaucoup. Elles ouvrent également la discussion et le partage d’expériences entre les femmes elles-mêmes. Dans ces espaces où l’intimité et la confidentialité sont respectés, les langues se délient et on évoque l’absence des maris, morts ou partis à la ville trouver des petits revenus, les difficultés d’accès à l’hygiène, les violences subies, et les problèmes pour subvenir aux besoins de sa famille.

"Je travaille sur leur état émotionnel et leur état psychique, les mamans sont vraiment dans un état de traumatisme "
Anuarite
travailleuse psychosociale, République Démocratique du Congo

Après les séances de stabilisation émotionnelle, viennent les séances de jeux et de massage mères-bébés animées par les travailleurs et travailleuses psychosociaux «je leur apprends comment elles peuvent jouer avec leurs enfants pour que leurs enfants puissent avoir une affection de leur maman et que la maman puisse aussi se sentir à l’aise avec son enfant. »

Alors qu’Anuarite masse un poupon, les mères répliquent les gestes, enduisant leurs nourrissons de crème pour le corps. Des orteils au visage, chaque centimètre de peau est inspecté et massé. Les travailleurs psychosociaux enseignent des massages pratiqués dans différentes régions du monde ainsi qu’en République Démocratique Congo. 

Dans le camp de déplacés de Rhoo, la présence de cet espace mères-bébés s’est vite propagée et le nombre de demandes de consultation ne cesse d’augmenter. Même après les horaires d’ouverture, les personnes restent autour de la salle d’attente pour discuter entre elles. C’est le seul lieu qui apporte un soutien psychologique pour ces femmes et leurs bébés. « Normalement on compte un espace mères-bébés pour 1000 personnes, soupire Hadrien. Sur le site de Rhoo, nous sommes face à des besoins énormes et à une demande de la part des femmes d’être soutenues pour aller mieux. Pour évaluer la vulnérabilité et la souffrance psychologique des personnes, nous utilisons une échelle de mesure sur des critères tels que les difficultés d’allaitement, la dépression maternelle et le trauma et près de neuf personnes sur dix qui nous ont consulté entrent dans ces critères de vulnérabilité. »

 

 

Action contre la Faim fait de la santé mentale un de ses cœurs de métiers. Suite à une évaluation menée en janvier 2021 dans le territoire de Drodro en Ituri, montrant un niveau de détresse psychologique important chez 85% des personnes interrogées, nos équipes interviennent en Ituri dans ce domaine à travers le projet Réponse d’urgence aux besoins en santé mentale des populations touchées par les conflits et les déplacements dans la zone de santé de Drodro, Territoire de Djugu, Province d’Ituri, financé par la Commission européenne pour la protection civile et les opérations d’aide humanitaire (ECHO). Grâce à ce projet débuté l’an dernier, les équipes en santé mentale ont pu rapidement rediriger une partie de leurs activités envers les nouveaux déplacés de Rhoo en début 2022.

Action contre la Faim plaide pour que les programmes humanitaires et de développement intègrent des activités de santé mentale dans les zones où les populations ont connu des épisodes traumatiques. L’appui en santé mentale apaise les souffrances des personnes et a aussi un effet sur la cohésion sociale et sur la capacité des individus à faire face à l’adversité, notamment à prendre en charge leur famille et à se projeter dans l’avenir.

 


¹ OCHA, République Démocratique du Congo – Ituri, Aperçu de la situation humanitaire, janvier à décembre 2021, publié le 15 février 2022. https://www.humanitarianresponse.info/sites/www.humanitarianresponse.info/files/documents/files/20211231_v100_ocha_drc_ituri_apercu_humanitaire_decembre_2021_vf.pdf

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